À l’occasion du partenariat avec les éditions Quadrature autour du livre de Gilles Dienst, l’auteur a répondu à nos questions.
Gilles Dienst, vous avez également été éditeur, galeriste ou encore commissaire d’exposition. Comment ces métiers nourrissent-ils votre écriture ?
Je pense que la vie professionnelle, d’une manière générale nourrit notre imaginaire, au même titre que les vies familiales, amoureuses, intimes, de par les rencontres, les rapports humains et tout ce qui y est attaché. Travailler avec des artistes, des créateurs m’a fait ressentir leurs envies, leurs attentes, leurs craintes, leurs déceptions parfois, leur égo par moments….. C’est propre à tous ceux qui tentent quelque chose, qui s’exposent, qui montrent leur travail, qui se mettent un peu, “en danger”. Ce sont des activités qui ont renforcé mon envie d’oser, d’aller au bout, et pour écrire c’est une nécessité. Ensuite je pense que l’écriture est gourmande, voire vorace, elle se nourrit de tout ce qui l’entoure, de tout ce que peut voir ou entendre l’auteur. Quelqu’un a dit un jour, mais je ne me souviens plus qui : “Ne fréquentez pas d’écrivains, ne leur parlez pas, ils se serviront de ce que vous leur racontez.”
Votre recueil, Le sens du vent, est un recueil de nouvelles. Pourquoi avoir choisi ce format de la nouvelle ?
La nouvelle est un genre souvent considéré un peu à part, comme une oeuvre de débutant, une récréation pour auteurs célèbres, ou un sous-genre, et c’est complètement à tort. La nouvelle est un genre , un format plutôt, vous avez raison d’utiliser ce terme, difficile, contraignant et qui demande beaucoup de travail. Il s’agit de créer une histoire, des personnages qui doivent avoir leur épaisseur, une intrigue, une ambiance, et tout ça dans un format resserré, court ; enfin, plus ou moins court. Il n’y a donc pas de place pour des passages plus faibles, ou des égarements : il faut aller à l’essentiel et pour ça, chaque mot compte. Dans une nouvelle, tout doit être indispensable. Je suis tombé dans la nouvelle en découvrant mon auteur culte : Raymond Carver, qui est l’auteur culte de nombre d’écrivains, surtout de nouvelles. Il était nouvelliste, exclusivement, hormis des poèmes et des textes sur l’écriture. J’ai tout de suite été fasciné par cette écriture simple en apparence, avec une économie de mots, une absence de métaphores alambiquées : juste une écriture dépouillée, mais qui s’insinue en vous, ne vous lâche pas, et tout ça en peu de pages. J’aime la nouvelle pour ces instantanés de vie qu’elle raconte. J’ai lu cette phrase quelque part, que je fais mienne : “La vie n’est pas un roman, mais un recueil de nouvelles”. Et je crois à cette phrase, parce que la vie est une suite d’épisodes, d’histoires, de personnages. Et puis, pour tout vous dire, j’aime passer d’une histoire à l’autre, changer de personnages, d’univers. Je crois que je n’ai pas envie de rester trop longtemps avec les mêmes personnages : ils risquent de m’ennuyer…
Vous avez coréalisé l’exposition L’Encre et la Corne dédiée à l’image du taureau dans la bande dessinée. Pourquoi cet animal vous fascine-t-il ?
J’ai été commissaire d’exposition et écrit le catalogue de cette expo parce que le projet réunissait deux univers qui m’intéressaient : la bande dessinée et la culture du taureau. Pourquoi le taureau ? Parce qu’il est un animal mythique, l’un des premiers dessiné sur les murs des grottes préhistoriques, sous la forme de son ancêtre, l’auroch. C’est un animal à la forte symbolique, nourricière, féconde, qui est présent sur de nombreuses armoiries. La rencontre avec la bande dessinée m’intéressait vraiment parce qu’elle raconte que dans des cultures aussi différentes que le comics américain, la BD franco-belge, ou les mangas, la rencontre entre l’homme et le taureau fonctionne toujours pour créer le rire, la peur, et diverses réactions. C’est donc la preuve que cet animal a une image forte : c’est ce qui m’a intéressé.
Nous invitons chaque semaine les internautes à partager leur #MardiConseil. Quel est le meilleur conseil de lecture que vous avez reçu et/ou donné ?
Je ne donne pas beaucoup de conseils, parce que nous avons tous tellement des centres d’intérêts différents que je me demande toujours si mes conseils seront judicieux. En revanche j’en reçois. Le meilleur conseil que j’ai reçu , ça a été de découvrir, il y a des années, des auteurs américains que je ne connaissais pas à l’époque : Raymond Carver que j’ai cité, Parlez moi d’amour, Jim Harrison bien sûr, John Cheever, Bukowski si vous avez le coeur bien accroché, John Fante.
Le meilleur conseil de lecture que je pourrais donner ? Recommander la lecture de mes auteurs préférés : les mêmes que ci-dessus, en y ajoutant Joyce Carol Oates, une vielle dame très décapante, et Alice Munro , la seule écrivaine de nouvelles à avoir eu le Nobel de littérature ! La classe ! Lire Fugitives ! Ah oui, un conseil : j’ai découvert les Nouvelles de Raphaël Harroche, oui, le chanteur…. J’ai beaucoup aimé son écriture. C’est intelligent, élégant, sensible. Retourner à la mer ou Une éclipse.
Chaque début de semaine, nous posons #LaPetiteQuestionDuLundi à nos participants. La plus fameuse d’entre elles est la suivante : Avec quel personnage de la littérature voudriez-vous être coincée dans un ascenseur ? Et pourquoi ?
Sans hésiter, avec une héroïne de mes nouvelles , celle du Sens du vent parce que ce serait une compagnie agréable en attendant les secours. Surtout pas avec un ou une serial killer, ni aucun psychopathe, croisé dans un bouquin ! Mais finalement pour être pratique, je préfèrerais Arsène Lupin, parce qu’il saurait certainement comment nous sortir de cet ascenseur.